Cyberjuridiction au Bénin : 15 ans de prison pour un stagiaire du Trésor public pour avoir volé des pensions des retraités.

La Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET), statuant en matière criminelle et en premier ressort, a condamné, lundi 16 mars 2020, Amour Magnidé, stagiaire du Trésor public et Pharell Ponty Ahouaga , respectivement à 15 ans et 7 ans d'emprisonnement ferme. Deux accusés du premier dossier inscrit au rôle de la troisième session criminelle au titre de l'année judiciaire 2019-2020 de la CRIET.
Amour Magnidé est poursuivi pour détournement de deniers publics et Pharell Ponty Ahouaga pour complicité de détournement de deniers publics. Le déficit estimé à la somme de 40 696 100 FCFA, représente les pensions de plusieurs fonctionnaires retraités et payés par le Trésor public. Les victimes sont plus d'une cinquantaine dont un haut magistrat et ancien président de l'Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC), un ex-chef d'état-major général des Forces armées béninoises, un ancien secrétaire général du gouvernement et bien d'autres personnalités. Un délit qui frise l’étonnement quand on se rend compte qu’au moment des faits Amour Magnidé, 22 ans n'était qu'un simple stagiaire au Trésor public.

Exposé des faits
Ayant reconnu les faits, Amour Magnidé a expliqué que son mode opératoire consistait à manipuler le système informatique de virement des pensions dans les banques et à les orienter vers divers comptes que son acolyte Pharell Ponty Ahouaga, ami de quartier et logisticien de formation l'a aidé à créer. Amour Magnidé faisait également les virements incriminés dans le compte de sa mère Mme Diane Catrayé, vendeuse de charbon.

Comment un stagiaire a pu avoir un accès aussi facile au logiciel aussi capital ?
L’accusé a expliqué que son supérieur hiérarchique, Modeste Yétongnon lui a communiqué le mot de passe de l'outil informatique. Par ce geste, il aidait souvent son supérieur parfois débordé dans ses tâches de virements des pensions. Cette pratique de l'utilisation des stagiaires, même à des postes aussi sensibles de l'administration publique surpris le président de la cour de céans qui a invité à la barre le représentant du Trésor public, Mathieu Hounnanou, inspecteur général des Services du Trésor. Ce dernier précise que le Trésor public fait souvent recours aux stagiaires pour suppléer au manque criard de personnel  au Trésor public. Sans la contribution des stagiaires, il sera difficile au Trésor public de tourner correctement aujourd'hui, soutient Mathieu Hounnanou.

Le problème de déficit de personnel se pose dans toutes les administrations publiques dont la magistrature, relève le président de la cour. Si les supérieurs hiérarchiques de ces stagiaires ne font pas preuve de rigueur, ils seront tenus responsables des fautes pénales et civiles commises par ces agents non publics, observe avec insistance le président de la cour de céans, Cyriaque Edouard Dossa, par ailleurs président de la CRIET.

Résumé des faits
Amour Magnidé diplômé en comptabilité, sans emploi, sollicite et obtient un stage de six mois d'application et de consolidation des connaissances théoriques acquises au Trésor public entre 2013 et 2014. Très vite il fut déployé à la section virement de la pension et a pour attributions, entre autres, le virement des pensions des agents retraités qui perçoivent dans les banques. Son dévouement et sa détermination ont fait que son patron d'alors, le nommé Modeste Yétongnon lui faisait appel à chaque période de traitement des pensions et lui donnait, à l'occasion, son code d'accès au système de gestion et de paiement des pensions appelé Sicope. Il servait ainsi périodiquement lorsque courant 2016, il eut l'idée de substituer des comptes de bien des pensionnés dans plusieurs comptes dans les livres, notamment à Ecobank, à la BIBE, à la BOA, à UBA, à Diamond Bank et à Orabank. En pratique, il s'est servi d'un logiciel utilisé au Trésor pour réorienter les pensions d'autrui vers des comptes qu'il a créé avec l'aide de son co-accusé Pharell Ponty Ahouaga, son ami de quartier. Le compte Boa de sa mère, Diane Catrayé, inconnue du Trésor public, était également une loge de réception des virements incriminés.
Dans le processus établit, Pharell Ponty Ahouaga reçoit en guise de récompense une partie des montants que Amour Magnidé fait passer dans les comptes qu'il a ouvert à l'occasion. Une correspondance du ministre de l'Economie et des Finances en date du 20 septembre 2017 fit état d'un préjudice de 40 696 100 FCFA.
Les rapports psycho-médico-psychiatriques figurant au dossier prouvent que les accusés Amour Magnidé et Pharell Ponty Ahouaga ne présentent pas d'anomalies mentales, psychologiques et psychiatriques altérantes, de nature à les déchoir du bénéfice de l'actuel procès.

Formation de jugement
Président: Edouard Cyriaque Dossa, Président de la CRIET
Assesseurs : Adamou Moussa et Dossa Guillaume Lally
Ministère public: Gilbert Ulrich Togbonon, procureur spécial près la CRIET
Greffier: Maître Oussou Léonce Adjado, greffier en chef de la CRIET
 
MOUSSOUGAN Fawaz,
Consultant en Cybersécurité