Souveraineté numérique et Protection des données en Afrique avec Ali EL AZZOUZI

Dans le cadre du CAF 2022 qui s’est tenu à Abidjan les 09 et 10 Mai, de nombreux acteurs de la cybersécurité en Afrique ont pris part aux différents panels. Africa Cybersecurity Mag  a dans ce cadre rencontré Monsieur Ali EL AZZOUZI, fondateur et Directeur Général de DATAPROTECT, entreprise de cybersécurité qu’il a créé en 2009. Après plusieurs années passées au service de grandes entreprises canadiennes, il décide de rentrer au Maroc pour s’investir dans la cybersécurité africaine à travers la création de DATAPROTECT qui aujourd’hui est une entreprise de plus 150 personnes ayant des projets dans une quarantaine de pays, entre l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie pacifique et aussi en Europe à travers une filiale qui est basée à Paris.

Dans ce Cyber-Interview accordé à Africa CyberSecurity Mag, Ali EL AZZOUZI fait un tour d’horizon un tour d’horizon sur la souveraineté numérique et l’importance de la cybersécurité dans le monde et particulièrement en Afrique. 


Africa CyberSecurity Mag : Votre entreprise est l'une des principales entreprises de cybersécurité en Afrique et elle participe aujourd'hui à la 2è édition du Cyber Africa Forum. Que représente pour vous une présence dans l'écosystème de la cybersécurité en Afrique ?

Ali EL AZZOUZI : J'aimerai avant tout dire que je suis très heureux d'être ici à Abidjan dans le cadre de la 2è édition du Cyber Africa Forum. C'est une bonne chose de pouvoir rencontrer à nouveau des passionnés de la cybersécurité. DATAPROTECT a beaucoup de clients et partenaires à Abidjan que je n'avais pas vu depuis 2 ou 3 ans. On avait vraiment hâte d'être ici. Ce que j'ai beaucoup apprécié dans cet événement, c'est cette capacité à rassembler pour devenir un lieu d'échange et de rencontre. C'est très bien pour le networking. Cet évènement permet de donner une dimension importante à la cybersécurité qui mine de rien coûte très cher à l'Afrique. Elle coûte en termes de produit intérieur brut, d'image, de “doing business”, etc... Donc c'est un sujet de gouvernance, ce n’est pas un simple sujet de protection de données d'une institution ou d'une entreprise lambda. Il faut le placer à un très haut niveau et cet événement permet de le faire. C'est ce que j'ai beaucoup apprécié.

Africa CyberSecurity Mag : Quels sont aujourd'hui les enjeux de la cybersécurité pour l'Afrique ? Et pourquoi votre entreprise, DATAPROTECT, doit accompagner sur ce levier à l'heure de la transformation digitale en Afrique ?

Ali EL AZZOUZI :  Il y a deux enjeux principaux. Le premier, c'est le thème même de cette édition : la souveraineté numérique. C'est extrêmement important d'être complètement autonome sur un certain nombre de sujets. La cybersécurité est très importante. Il faut donc que nous soyons indépendants sur ce sujet. Au même titre que notre indépendance pour les corps de la police ou de la gendarmerie. Aujourd'hui, l'Afrique doit avoir un mot à dire dans le cyberespace. Quand je parle de souveraineté numérique, il ne suffit pas d'avoir des fournisseurs de services cloud local, il ne suffit pas d'avoir des data centers dans les pays concernés. Encore faut-il avoir la réponse par rapport à toute la chaîne de valeur du numérique. La chaîne de valeur du numérique comprend le matériel, le logiciel, les applications métier, le réseau, la fibre optique, la connectivité, le cloud. Il faut constater que les États africains ne peuvent pas répondre à cette problématique de façon séparée. Il faut régler cette question à l'échelle continental dans le cadre de la coopération inter-pays. Même l'Europe aujourd'hui, avec tous les moyens dont elle dispose, n'arrive pas vraiment à répondre à cette problématique.                                                                                                      

Le second enjeu, c'est la ressource. Aujourd'hui, le marché mondial de la cybersécurité a un besoin de trois millions d'ingénieurs. Chez DATAPROTECT, nous sommes une boîte de 150 personnes. Si je trouve cent personnes, je les recrute. Je ne poserai même pas la question de ce qu'ils feront dans l'entreprise ou sur quels projets ils travailleront, etc... On a donné les instructions aux ressources humaines de recruter à chaque fois qu'il repère une ressource pertinente, quelque soit la situation géographique d'origine. La ressource est un véritable enjeu en cybersécurité et malheureusement l'Afrique a du retard là-dessus parce que nous n'avons pas une offre de formation adaptée aux besoins du marché. DATAPROTECT a dans cette optique lancé un projet ambitieux, Cybersecurity Skills Lab, pour accompagner les entreprises africaines dans cette perspective de besoins.  Malheureusement, on constate que des entreprises n'arrivent pas à satisfaire les besoins de ressources en cybersécurité. C'est un sujet auquel il va falloir répondre de façon structurelle.

Africa CyberSecurity Mag : Aujourd'hui, quels types de réponses cyber apporte DATAPROTECT face aux différents défis de la cybersécurité en Afrique et dans le monde ?

Ali EL AZZOUZI :   DATAPROTECT est la première entreprise qui a été accréditée par Visa et Mastercard, entre autres, pour certifier la sécurité des données des cartes bancaires. On travaille avec une centaine de banques en Afrique. On est connu sur le volet sécurité des moyens de paiement sur lequel on a une position de leader régional, continental et même au-delà. Nous avons aussi mis en place depuis 2014 un SOC (Security Operations Center). Ce centre supervise une centaine de clients dont une soixantaine de banques 24h/24 et 7j/7. On supervise plus de 500 000 événements par seconde sur du big data, les tendances d'attaques, l'analyse des malwares, etc... Nous avons également un CERT qui est accrédité FIRST. Tous ces éléments nous positionnent en tant qu'acteur de référence et leader à l'échelle continentale sur la cybersécurité. 

Africa CyberSecurity Mag : Les attaques cyber s'accroissent en Afrique. Comment les entreprises et les organisations doivent-elles se préparer aux prochains défis cyber sur le continent ?

Ali EL AZZOUZI :   Elles doivent tout simplement investir.  Elles doivent investir dans la sensibilisation, la formation et l'éducation. Il faut prendre la cybersécurité très au sérieux. Il faut mettre les moyens techniques, humains et organisationnels pour pouvoir mieux cerner cette problématique de la cybersécurité. C'est la seule issue.


La Rédaction d’Africa Cybersecurity Mag