Protection des données au Maroc : le rôle des Religions
À l’occasion de la Journée Internationale de Protection des Données à caractère personnel, la Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (CNDP) a organisé le samedi 28 janvier 2023 dernier au siège de l’Académie du Royaume du Maroc à Rabat, un panel sur le lien entre les religions et la protection des données à caractère personnel. Ce panel s’inscrit dans le cadre de l’apport moral et/ou éthique que les Religions peuvent apporter en matière de la protection des données en ligne.
Appel de la communauté musulmane
Placé sous le thème “Données à caractère personnel, civilisation du partage et respect de la vie privée”, ce panel a été co-organisé par la Rabita Mohammadia des Oulémas. Au cours des échanges, les panélistes ont mis l’accent sur les raisons motivant l’importance du partage des données ainsi que les risques que cela peut avoir sur l’être humain si leur usage n’obéit pas à un code moral. Pour le Secrétaire Général de la Rabita Mohammadia des Oulémas, Ahmed Abbadi, la nécessité de partager les données afin de lutter contre les fléaux sociaux et de trouver des mécanismes de réponse aux enjeux du monde moderne. Une position qu’il soutient en ces termes : “Dans le but de mieux comprendre la complexité humaine et sociale dans laquelle nous vivons, il faut une forme d’altruisme dans le partage des idées pour un bien-être collectif et à la création d'une forme d’intelligence transcendante qui dépasse l’intelligence de l’individu”. De son côté, M. Farid El Asri, professeur à l’Université Internationale de Rabat et à la Rabita Mohammadia des Oulémas, a insisté sur la nécessité de comprendre l’environnement civilisationnel dans lequel nous vivions. Ainsi selon lui, il y a une porosité de frontière entre vie publique et vie privée. C'est pourquoi, il clarifie un changement au niveau des caractéristiques de la civilisation musulmane. Un changement qui connaît aujourd’hui un fanatisme religieux criminel. Toutefois, il encourage “la sobriété iconique” et le retour vers “des clôtures qui préservent la dignité de l’autre”.
Les responsables de l’Eglise Catholique s’expriment
Mme Bernadette Rey Mimoso-Ruiz, professeur émérite à l’Institut Catholique de Toulouse, évoque l’évolution du concept de la vie privée, relevant de la protection des données est juridiquement garantie mais menacée par les usagers eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Dans ce sens, elle a préconisé une meilleure prévention et éducation concernant le respect de la vie privée et l’usage de ces données. Selon elle, les principales motivations derrière le besoin pour certaines personnes de partager leur vie privée évoquent notamment le rôle de l’image, l’influence du cinéma et la dégradation des valeurs de respect dans une société où le moi devient le centre d’intérêt partagé avec les autres. Pour elle, le capitalisme individuel a pris le dessus sur tout. Ce qui implique que l’individu promeut le paraître n'empêche que cela mette sa propre vie en danger. Eric Salobir, président de Human Technology Foundation, a mis l’accent sur le fait que les sociétés modernes manquent d’horizon commun, compte tenu de la diversité qui les caractérise. Ainsi, le prêtre catholique appelle à un partage de données généreux mais responsable, en prenant le “bien commun” comme socle. À en croire le Père Jean-Michel Poirier, Directeur de Recherche à l’Institut Catholique de Toulouse, l’ancrage de la pratique du partage doit être un leitmotiv dans les religions. Il a appelé aussi à l'expertise dans le traitement de certains nouveaux défis du monde moderne. Selon lui, les traditions abrahamiques peuvent alerter sur de nombreuses problématiques telles que la fracture numérique, compte tenu de l’intérêt qu’elles portent pour les personnes en situation précaire. En ce qui concerne la notion de consentement, il a recommandé une plus grande sensibilisation afin de garantir à chacun “la possibilité de prendre en compte ses données”.
À propos de Rabita Mohammadia des Oulémas
La Rabita Mohammadia des Oulémas est une association d’intérêt général marocaine créée par le roi Mohammed VI en 2006, dont la mission est de promouvoir un Islam tolérant et ouvert. Elle a pour mission d'enseigner les prescriptions de la Charia islamique et diffuser les valeurs et préceptes de la religion islamique dans le respect des principes du juste milieu et de la modération. Elle doit aussi contribuer à l'animation de la vie scientifique et culturelle dans le domaine des études islamiques en améliorant les liens de coopération et les partenariats avec les universités et institutions scientifiques.
Koffi ACAKPO
Journaliste digital