Risques cybernétiques et intelligence artificielle (IA) : Zoom sur les innovations du CAF 2024

les innovations du CAF 2024

 

Les risques cyber évoluent constamment, devenant de plus en plus sophistiqués, car ils sont mieux orchestrés et donc difficiles à détecter. Dans ce contexte, comprendre les implications de l'IA dans le paysage de la sécurité informatique est essentiel pour développer des stratégies de défense efficaces face aux menaces numériques émergentes. L'IA offre des possibilités considérables dans le domaine de la cybersécurité, permettant notamment une détection plus rapide des attaques, une analyse avancée des comportements suspects et une automatisation des processus de réponse aux incidents. Cependant, l'IA vient avec son lot de défis, des défis importants à relever.  Risques cybernétiques et intelligence artificielle (IA) : quelles stratégies de défense face aux nouvelles menaces numériques ? C’est le sujet qui fera objet de discussion au cours de la 4ᵉ édition du Cyber Africa Forum qui se tiendra du 15 au 16 avril 2024 à Abidjan.

Ainsi, pour aborder l’ensemble de ces enjeux liés à l’IA et les sujets qui seront adressés au CAF 2024, Africa CyberSecurity Mag a le privilège de recevoir Yenataba Kignaman-Soro Commissaire Général Adjointe du Cyber Africa Forum.

Africa CyberSecurity Mag : Pourquoi ce thème pour cette édition ? Quelles sont les réflexions ou les échanges que vous souhaitez encourager entre les participants, notamment en lien avec les enjeux actuels de cybersécurité en Afrique ?

Yenataba Kignaman-Soro: Nous sommes en pleine révolution numérique, qui n'est pas nouvelle. L'IA est en train de s'imposer dans notre quotidien. On a toujours parlé d'intelligence artificielle, mais elle prend de plus en plus de place dans l'écosystème. C'est un point pour réfléchir au devenir même de cet écosystème numérique. L'homme repousse toujours les limites un peu plus loin. Nous essayons toujours d'avoir des technologies innovantes, de plus en plus autonomes. Mais ce n'est pas seulement une révolution qui apporte son lot d'avantages. Il n'y a pas que des avantages, il y a aussi des inconvénients. Les attaques deviennent de plus en plus perfectionnées, les gens utilisent le deepfake, par exemple, pour mettre en place des systèmes d'attaque très bien orchestrés. 

C'est aussi le moment de se poser la question de savoir quelles sont les limites et comment nous nous préparons à y faire face. Sommes-nous suffisamment préparés, surtout sur le continent africain, qui est toujours en pleine transition numérique. Certains ont atteint la maturité, mais d'autres continuent à essayer d'atteindre cet objectif. Il est donc nécessaire de s'arrêter un moment, de se poser la question, et je pense aussi que c'est une suite logique. À la première édition, nous avons parlé des risques cyber, à la deuxième, de la souveraineté, à la troisième, des partenariats publics et privés, et il est tout à fait évident que nous parlions maintenant de l'intelligence artificielle, qui est un sujet d'actualité. Donc pour nous, cela fait sens, et c'est une continuation des échanges que nous avons eus depuis quatre ans.

Africa CyberSecurity Mag : Comment le CAF 2024 envisage-t-il de mettre en avant l'utilisation de l'intelligence artificielle comme outil de renforcement des capacités de cybersécurité, et quels sont les principaux défis et opportunités que vous souhaitez mettre en lumière ?

Yenataba Kignaman-Soro: Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique où la transformation numérique de l'écosystème est mature à certains endroits et ne l'est pas à d'autres. Donc, il y a une disparité. Il est également nécessaire de se positionner dans cette perspective pour savoir ce que nous faisons aujourd'hui. Parce que c'est un grand défi. Une nouvelle technologie arrive, sommes-nous prêts ? Avons-nous les moyens de faire face à cela ? Deuxièmement, l'opportunité est de réduire la fracture numérique. L'IA peut nous permettre de mettre en place des systèmes d'apprentissage efficaces et de réduire cette fracture numérique, c'est-à-dire que cela peut être à la fois un avantage et un inconvénient. Il y a des opportunités à saisir et ça inclut, par exemple, l'accès à l'éducation, à l'alphabétisation, etc., pour réduire de plus en plus la fracture numérique. 

On peut faire plus avec l'IA pour avoir encore plus de ces technologies, mais la technologie disponible sur le continent est accessible à une partie de la population qui n'a peut-être pas l'éducation ou n'a pas l'occasion de s'y familiariser. C'est une opportunité pour l'éducation, pour l'employabilité aussi, ce qui permet également d'apprendre de nouvelles compétences, sans nécessairement faire appel à l'humain pour l'apprentissage. Ce sont aussi des opportunités à étudier. Mais ces opportunités ne sont pas sans défis qui sont tout aussi importants. C'est un grand débat auquel tout le monde peut contribuer. Il ne suffit pas de rester dans l'idée que la technologie va nous sauver, mais il faut aussi se demander si nous avons les moyens.

Africa CyberSecurity Mag : De quelle manière le CAF 2024 entend-il promouvoir et faciliter les partenariats public-privé pour combattre les cybermenaces, et quel rôle ces collaborations joueront-elles dans les stratégies de défense discutées durant l'événement ?

Yenataba Kignaman-Soro:  Le partenariat public-privé est l'un des partenariats essentiels, pour la construction de tout ce qui concerne la cybersécurité. Le secteur public établit des lois, met en place des organes de régulation et régule ou encadre l'utilisation de la technologie. Le secteur privé met en œuvre, innove également sur le plan technologique. Donc si ces deux entités ne collaborent pas, à un moment donné, la régulation ne reflète pas ce qui se passe sur le terrain en termes de pratique. Il est donc important que ces deux entités se réunissent à la table, discutent et puissent mettre en place des régulations qui reflètent réellement la pratique sur le terrain. Il est également important de noter que le secteur privé fournit des emplois et des ressources. Souvent, le secteur public fait appel au privé pour mettre en œuvre certains projets d'envergure. Il y a une interdépendance. Aujourd'hui, il est important de s'asseoir et de voir concrètement ce que nous faisons, avoir des échanges francs. Parce qu'à la fin de la journée, ce sont les populations qui seront impactées par les décisions prises. Il est important que cela serve au mieux la population, mais aussi qu'il permette aux entreprises privées de continuer à fonctionner et à être une source d'emplois et de ressources, et facilite également au secteur public à encadrer l'utilisation de tout ce qui est numérique.

Nous ne pouvons pas évoluer aujourd'hui si ces deux entités ne sont pas assises à la même table et ne discutent pas des décisions à prendre conjointement. Ce que le Forum (CAF) fait aujourd'hui, c'est une activité qui permet à tous ceux qui sont du secteur public et privé de se retrouver. Parce qu'aujourd'hui, nous parvenons à réunir de grands leaders du secteur privé et public, et ils ont des discussions franches. Que ce soit lors des panels ou des réunions privées. Le CAF est un forum où nous essayons de régler de manière pratique les problèmes et de trouver des solutions. J’invite tous les professionnels à venir, venez participer aux échanges afin d’apporter votre contribution, votre expertise.

Africa CyberSecurity Mag : Avec les prédictions sur l'impact significatif de l'IA sur le PIB africain, comment le CAF compte-t-il aider les acteurs africains à maximiser ce potentiel, et quelles initiatives spécifiques seront présentées à cet effet ?

Yenataba Kignaman-Soro: Nous, en tant qu'entité de plateforme de partenariat public-privé, notre objectif est de permettre aux participants qui viennent au forum de montrer leur savoir-faire. C'est très important. Montrer son savoir-faire, c'est aussi attirer des clients. Généralement, les entreprises qui viennent au forum cherchent des partenariats, ce qui crée du business. C'est aussi un forum de business. Cela crée du business qui, à la fin de la journée, a un impact sur l'économie. Vous avez une plateforme où vous rencontrez les acteurs du secteur public et privé. Deuxièmement, vous faites du business sur place, donc vous avez des clients avec lesquels vous souhaitez avoir des relations ou consolider ces relations. Et troisièmement, ces relations qui se nouent sur le forum ont un impact sur l'économie, car vous allez adresser des produits spécifiques à vos clients. Cela va créer du business, et ce business permettra d'avoir un impact sur l'économie. Cela vous permettra également de vous positionner en tant qu'entité participante.

Africa CyberSecurity Mag :  Pouvez-vous nous détailler les objectifs et les activités prévues dans le cadre de l'initiative CYBER AFRICA WOMEN lancé par le CAF, et quel impact attendez-vous sur la participation féminine dans le secteur numérique africain ? 

Yenataba Kignaman-Soro: L'initiative Cyber Africa Women existe depuis trois ans. Trois ans maintenant que nous menons ce projet au mieux. Je dirais que le projet a commencé à décoller l'année dernière. Cyber Africa Women, qu'est-ce que c'est ? Généralement, quand les gens entendent cyber, ils pensent que c'est juste pour les femmes dans la cybersécurité, mais ce n'est pas seulement ça. Nous ciblons les femmes dans la cybersécurité, mais aussi dans un domaine plus large, les femmes dans le secteur du numérique. Aujourd'hui, Cyber Africa Women regroupe plusieurs initiatives. Plusieurs associations et entreprises se sont réunies pour créer un ensemble d'initiatives visant à soutenir les femmes dans le secteur du numérique. Vous trouverez des entités comme DynExcAfrica, qui promeut les technologies auprès des jeunes filles dans les lycées et les collèges, tout comme Digifen

Vous trouverez des associations qui luttent pour l'alphabétisation numérique des femmes. Et il y a beaucoup d'autres initiatives. C'est un groupe d'initiatives qui se sont réunies pour soutenir les femmes qui sortent de la formation, qui ont besoin de stages, qui ont besoin d'accéder à des postes de responsabilité, et créer un réseau fort à travers des initiatives telles que Abidjan is in Tech pour faire du business, de la reconversion professionnelle, de la sensibilisation, de la formation, etc. Parce qu'il est également important que les femmes se fassent voir et entendre. Nous essayons de faire sortir ces femmes qui ont un impact au quotidien, de se faire voir et entendre. Pendant le CAF, il y aura une session dédiée à Cyber Africa Women. Ce sont des discussions, des initiatives, des activités qui se déroulent tout au long de l'année. J’encourage  les femmes à participer à cette initiative. Parce que c'est aussi l'occasion de créer un réseau, que ce soit d'affaires ou professionnel. 

Nous encourageons toutes les entreprises qui soutiennent les initiatives en faveur des femmes à participer à Cyber Africa Women, à montrer qu'elles sont prêtes à s'investir à nos côtés. Les femmes qui participent à cet événement sont celles qui travaillent dans ces entreprises. Nous avons besoin de ces entreprises pour apporter leur soutien et aussi des opportunités, que ce soit des opportunités d'emploi ou d'affaires.

Africa CyberSecurity Mag : Pouvez-vous nous parler des entreprises qui seront présentes lors du CAF cette année ? et donnez-nous quelques chiffres pour cette édition.  

Yenataba Kignaman-Soro:  En ce qui concerne les entreprises présentes au CyberAfrica Forum cette année, nous avons tout d'abord nos partenaires qui nous accompagnent depuis quatre ans, à savoir Huawei, Sibastion et Deloitte, qui seront présents pour parler de leur positionnement sur les thématiques de l'IA. Mais au-delà de cela, nous avons également la BOAD (Banque Ouest Africaine de Développement) en tant que partenaire institutionnel, ainsi que les Ministères de la Sierra Leone, de la Tunisie, du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa. Il est très important pour nous d'avoir cette représentativité et de permettre à toutes ces entreprises de montrer leur savoir-faire, d'être présentes pour leurs clients. Nous attendons plus de 1000 participants pour les deux jours de l'événement, et nous encourageons tous les acteurs du secteur à venir participer, à se préinscrire et à montrer leurs compétences.


Propos recueillis par Christelle HOUETO, journaliste digital