Propagation de fausses informations en Afrique: état des lieux de la lutte en Afrique.
Le nombre d’usagers actifs sur les médias sociaux ( Facebook, Whatsapp et Twitter) a considérablement augmenté depuis 2016. Plusieurs usagers accèdent à Internet avec leurs appareils portables et ceux-ci pour la plupart manquent de formation pour apprécier le plus objectivement possible une information qu’elle soit dans un format audio, vidéo ou écrit. Au Nigeria, en Afrique du Sud, au Ghana et au Kenya, les usagers passent environ trois heures par jour sur les réseaux sociaux. Mais l’évolution rapide du paysage de l’information en Afrique en général, a aussi créé un levier asymétrique pour les acteurs anti-démocratiques qui cherchent à propager des fausses informations à des fins politiques.
La désinformation est la diffusion intentionnelle de fausses informations dans le but de faire avancer un objectif politique. L’Afrique est souvent la cible de telles campagnes. La désinformation représente une menace déstabilisatrice à l’accès aux sources d’informations fiables. La diffusion massive d’informations non vérifiées a favorisé l’entretien d’un climat de tensions et de doute permanents, facilitant dans certains cas le renversement de gouvernements démocratiquement élus.
Ces dernières années, des dizaines de campagnes soigneusement conçues ont déversé des millions de messages intentionnellement faux et trompeurs dans les espaces sociaux en ligne d’Afrique. Ces fausses informations présentes sur internet émanent parfois d’états dans l’intérêt de servir dans des luttes aux intérêts stratégiques. Pour les pouvoirs publics africains, la lutte contre ce phénomène représente désormais un véritable défi à relever. Le cyberespace est plus que jamais un théâtre d’affrontement entre grandes puissances, en vue d’agir directement sur des opinions publiques africaines.
Quelques initiatives de lutte contre la désinformation en Afrique
L’Afrique est sans nul doute le continent le plus touché par la désinformation. Ainsi sensibiliser et informer sur ce phénomène devient primordial. Par ailleurs, des initiatives pour lutter contre la désinformation ont été mises en place dans la perspective de renforcer la coopération francophone dans la lutte contre les carnages engendrés par la désinformation et la mobilisation pour l’accès aux informations fiables. Entre autres, on peut citer quelques projets financés parfois directement par des mises en causes.
Il s’agit de 06 projets sélectionnés dans le cadre d’un appel à projet lancé le 11 octobre 2021. Cet appel vise à répondre aux défis posés par la prolifération des manipulations de l’information par le renforcement mutuel des compétences d’initiatives francophones en matière de vérification des faits, d’éducation aux médias et à l’information ou de recherche.
- Le projet DEFI (Développement d’Expertises croisées entre initiatives Francophones contre la manipulation de l’Information de jumelage), qui vise à mettre en commun les expertises en matière de vérification légale des faits, de data journalisme de communication et de vulgarisation de l’information et de contenus, ainsi qu’à partager ces compétences avec d’autres initiatives francophones de lutte contre la désinformation;
- Le projet COZI (Consortium Zéro infox en Afrique de l’Ouest) qui réunit les équipes de Banouto (Bénin), Code for Africa - PesaCheck (Sénégal) et AmiNet PluriMédias (Burkina Faso). Cette initiative alliant site d’investigation, journalisme open-data et programmes d’actualité dédiés à la jeunesse ouest africaine, aboutira notamment à la mise à disposition de contenus de vérification des faits en langues locales et diffusés à grande échelle dans chacun des trois pays concernés ;
- Le projet de Formations en techniques de vérification des faits des radios communautaires et sensibilisation de la jeunesse contre la désinformation en Centrafrique à travers un partenariat entre l'Association des Fact-Checkers de Centrafrique, CongoCheck et le Réseau des médias communautaires de Centrafrique (RCA). Le projet vise à renforcer les capacités en vérification des faits de journalistes centrafricains, la production de contenus radiophoniques d’information ainsi que la sensibilisation sur les méfaits de la désinformation à destination du jeune public;
- Le projet de mutualisation des expériences, formation et sensibilisation à la lutte contre la désinformation en République centrafricaine, au Cameroun et en France. Ce projet réunit l’ Observatoire Pharos (France), l’ Association pour le Développement Intégré et la Solidarité Interactive (ADISI - Cameroun) et le Consortium des Journalistes Centrafricains de Lutte contre la Désinformation (CJCLD-République Centrafricaine). Le projet se consacrera à la lutte contre le discours haineux et les infox dans les trois pays;
- Le projet Engager les jeunes et les organisations de la société civile dans la lutte contre la désinformation à travers l’éducation aux Médias et à l’Information à travers le partenariat entre les associations EducommunicAfrik (Burkina Faso), l’ Association Camerounaise d’Education aux médias (EDUK-MEDIA -Cameroun) et les Bénévoles de l’éducation aux médias et à l’information. Ici il s’agit d’améliorer les connaissances, les compétences et l’esprit critique des jeunes burkinabés, ivoiriens et camerounais, à travers des sensibilisations au traitement éclairé de l’information et à l’utilisation responsable des réseaux sociaux;
- Le projet Actions de formation sur la lutte contre la désinformation à destination des professionnels de l’information porté par un partenariat entre deux grandes écoles francophones en sciences de l’information, l’École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques (ENSSIB), et l’École de Bibliothécaires, Archivistes et Documentaliste de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (EBAD), qui permettra la co-réalisation des activités de formation afin d’apporter des outils et des compétences complémentaires aux professionnels de l’information francophones dans leur lutte contre la désinformation, ainsi que d’encourager le partage de connaissances francophones sur l’éducation aux médias et à l’information;
Aussi, l’OIF(Organisation Internationale de la Francophonie) a lancé un appel à projets visant à favoriser la coopération entre les initiatives de lutte contre la désinformation issues des 88 États et gouvernements de l’OIF pour cette année 2023.
De même, nous avons également le projet Vérifox Afrique lancé en 2019, qui répond aux besoins des médias africains d'être mieux outillés pour lutter contre le phénomène de prolifération des fausses informations, en particulier en période électorale, dans trois pays : le Bénin, le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire. Le projet Désinfox Afrique aussi pour sa part accompagne les médias de six pays d’Afrique francophone pour consolider les connaissances de leurs journalistes en factchecking et qu’ils intègrent la vérification de l’information à leur modèle éditorial.
Au sein des États africains, de nombreuses autres initiatives nées parfois de coopérations existent comme le cas au Bénin avec le projet de factcheking financé par l’Ambassade des États-Unis au profit de l’US-BWAA (US Bénin Women Alumni Association). Il y a aussi un autre projet majeur en Afrique : Africa Check qui est une organisation à but non lucratif, dont le siège est en Afrique du Sud.
La lutte contre ce fléau doit se faire aussi bien au niveau des organisations et également au sein de la population. Vérifier les sources des articles et les informations partagées, est donc la règle numéro 1 pour ne pas tomber dans le piège de la désinformation.
Christelle HOUETO
Journaliste Digital