Les stratégies de réponse aux incidents de cybersécurité

Jean Christophe Apala

 

Les cyberattaques se multiplient et évoluent avec une rapidité alarmante. Ceci expose les entreprises, institutions et particuliers à des risques croissants. Face à cette menace omniprésente, la mise en place de stratégies de réponse aux incidents de cybersécurité est devenue une priorité absolue. Une réaction rapide et efficace permet non seulement de limiter les impacts des attaques, mais aussi de renforcer la résilience des systèmes face aux menaces futures.

Pour en parler, nous recevons Jean-Christophe Lutundula Apala, Ingénieur Sénior en cybersécurité. Il nous apporte son expertise sur les approches à adopter pour une gestion efficace des incidents et les défis que rencontrent les entreprises dans ce domaine.

Africa CyberSecurity Mag : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’on entend par un incident de cybersécurité ?

Jean Christoph Lutundula Apala: Un incident de cybersécurité est un événement qui se produit au niveau du système d'information et qui est lié à une action pouvant compromettre les piliers de la cybersécurité, connus sous la forme de la triade CIA : Confidentialité, Intégrité et Disponibilité. Un incident de cybersécurité compromet donc la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, ainsi que des systèmes qui contiennent ces données.

Africa CyberSecurity Mag : Quels sont les types d'incidents les plus courants auxquels les entreprises et institutions font face aujourd'hui ? et Quelles en sont les conséquences ?

 Jean Christoph Lutundula Apala: Pour répondre à cette question, je vais me baser sur mon  expérience quotidienne et les incidents rencontrés avec différents clients. En termes d'incidents, de nombreux types d'attaques sont observés aujourd'hui en raison de l'évolution des cyberattaquants et des techniques utilisées pour compromettre les systèmes d'information.

Tout d'abord, on peut rencontrer des incidents liés aux attaques par déni de service, qui visent à compromettre la disponibilité d'un service ou d'un serveur critique. Par exemple, un client a eu un de ses serveurs applicatifs hors ligne en raison d'un grand nombre de requêtes simultanées, ce qui a constitué une attaque par déni de service. Il existe aussi des incidents liés à la réutilisation d'identifiants, tels que les adresses e-mail et mots de passe qui ont fuité suite à un vol de données. Un attaquant peut réutiliser ces informations pour accéder à des comptes et effectuer davantage de compromissions. Les connexions externes non autorisées représentent également un autre type d'incident. Les incidents liés à l'exploitation des vulnérabilités des équipements informatiques sont également fréquents. Même une solution de sécurité n'est pas à l'abri d'attaques, car les programmes sont codés avec des langages qui peuvent présenter des vulnérabilités. En exploitant ces failles, un attaquant peut compromettre un système, voler des données. Par exemple, un attaquant peut compromettre la boîte e-mail d'une secrétaire et  utiliser son adresse pour envoyer des e-mails ciblés à un supérieur, augmentant ainsi les chances d'accès à des informations sensibles.

Enfin, de nombreux incidents proviennent de menaces internes, notamment lorsque des employés non sensibilisés téléchargent des logiciels non sécurisés, qui permettent  aux attaquants de pénétrer dans l'entreprise. Le vol de données est également un problème, avec des employés exfiltrant des informations sensibles à leur départ, souvent dans le but de les vendre sur le marché noir ou le dark web.

Africa CyberSecurity Mag : Comment une entreprise peut-elle se préparer efficacement a faire face à un incident de cybersécurité ?

Jean Christoph Lutundula Apala: Bien que le risque zéro n'existe pas, la préparation à un incident de cybersécurité est essentielle pour une gestion efficace. La préparation permet à l'entreprise, en cas de cyberattaque ou d'incident, de réagir rapidement et de limiter les dégâts. Par exemple, l'entreprise pourra isoler rapidement le patient zéro, c'est-à-dire la machine infectée, et mettre en place des actions correctives. Dans la préparation, il est crucial de bien connaître son système d'information. De même, une entreprise doit connaître ses équipements, ses applications, ainsi que leurs versions, pour identifier rapidement la menace. Il est également important de choisir les bons outils et solutions de sécurité pour renforcer la protection des systèmes. Une autre dimension de la préparation concerne l'équipe. Il est nécessaire d'investir dans des formations pour les employés afin qu'ils puissent jouer un rôle crucial dans la détection et la gestion des incidents. L'humain étant souvent le point d'entrée principal des cyberattaques, une équipe formée devient un atout précieux dans la prévention et la réponse aux incidents.

La mise en place de procédures claires et documentées pour traiter un incident est aussi fondamentale. Ces procédures doivent être accessibles à tous au sein de l'entreprise et indiquer clairement les étapes à suivre en cas d'incident, y compris l'isolement des machines et la manière de mener les investigations. Il est également recommandé de réaliser une analyse des risques pour identifier les menaces potentielles auxquelles l'entreprise est exposée. Enfin, l'établissement de canaux de communication efficaces, comme une chaîne Teams, permet aux équipes de partager rapidement des informations sur les incidents et de faciliter la réponse en temps réel, en particulier lorsque des éléments suspects sont détectés.

Africa CyberSecurity Mag : Quelles sont les étapes clés d’une réponse efficace à un incident de cybersécurité ?

Jean Christoph Lutundula Apala: Lorsqu'on fait face à un incident de cybersécurité, plusieurs étapes doivent être suivies dans le cycle de réponse. Après la phase de préparation, l'étape suivante est la détection et l'analyse, avant de passer à la remédiation et à la mise en quarantaine de la machine concernée. Un bon mécanisme de détection est essentiel à ce stade. Par exemple, si une détection signale qu'un utilisateur se connecte hors des heures de travail avec une adresse IP suspecte, il faut être prêt à enquêter en suivant un ensemble de procédures bien définies. Lorsqu'une alerte est générée, l'analyste se réfère à la documentation qui décrit les étapes à suivre. Il commence par examiner l'adresse IP pour vérifier sa réputation via des bases de données de renseignement sur les menaces. Ensuite, il examine la machine pour détecter la présence de logiciels d'exfiltration de données ou d'autres signes d'intrusion. Si l'incident est confirmé, un plan de réponse spécifique est activé incluant des actions comme l'isolement immédiat de la machine infectée.

Après l'isolement, des investigations supplémentaires sont menées sur les autres machines du réseau pour vérifier qu'elles n'ont pas été compromises. Si seule la machine isolée est affectée, l'étape suivante consiste à éradiquer toutes les traces de l'attaquant. Cela inclut la suppression de toute porte dérobée installée par l'attaquant pour un accès futur. Ensuite, la machine peut être nettoyée, parfois même remasterisée (remise à neuf), et reconnectée au réseau une fois que toutes les menaces ont été éliminées.

Ce processus de réponse à l'incident doit être bien documenté et exécuté de manière méthodique pour assurer la sécurité de l'entreprise et la continuité de ses opérations.

Africa CyberSecurity Mag : Quel est l’impact des nouvelles régulations et normes en cybersécurité sur la gestion des incidents par les entreprises ?

Jean Christoph Lutundula Apala: Les normes de cybersécurité, telles que la SOC 2 ou l'ISO 27001, jouent un rôle fondamental dans la création de confiance, surtout pour les grandes entreprises qui gèrent de vastes quantités de données sensibles. Ces normes assurent aux clients et partenaires que les données sont protégées de manière efficace, grâce à des processus rigoureux et des mécanismes de sécurité bien définis. Par exemple, la norme SOC 2 est particulièrement cruciale pour les entreprises offrant des services à des grands groupes, car elle atteste que des mesures appropriées sont en place pour garantir la sécurité, l'intégrité et la disponibilité des données.

Lorsqu'une entreprise est certifiée SOC 2, cela sert de gage de confiance pour ses clients, en prouvant que les données sensibles sont sécurisées et que les mécanismes de détection sont en place pour signaler toute menace. La norme veille à ce que l'intégrité des données soit protégée et que l'accès aux informations soit toujours disponible. Ce cadre contribue à rassurer les clients, en démontrant que l'entreprise prend la cybersécurité au sérieux.

Propos recueillis par Christelle HOUETO, journaliste digital