Nouveau rapport GCI 2024 sur la cyber en Afrique : Décryptage d’un expert

D’après le Global Cybersecurity Index (GCI) 2024 de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), la situation de la cybersécurité en Afrique révèle une grande disparité entre les pays, reflétant des différences en termes de ressources, d’engagement stratégique et de capacités de mise en œuvre.

Répartition des performances en Afrique

  • Tier 1 (Pays modèles) : Des pays comme le Maroc, le Ghana, le Kenya, l’île Maurice, le Rwanda et la Tanzanie figurent parmi les leaders en matière de cybersécurité en Afrique. Ces pays ont réalisé des progrès significatifs dans les cinq piliers du GCI, à savoir les mesures légales, techniques, organisationnelles, de développement des capacités et de coopération.
  • Tier 2 (Pays en progrès) : Le Togo, l’Afrique du Sud, le Bénin et la Zambie se trouvent dans cette catégorie. Ils ont fait des avancées notables, surtout en termes de mesures légales et de coopération, mais ont encore des lacunes à combler dans les domaines techniques ou en matière de développement des capacités.

La performance des pays selon un score compris entre 95-100

 

  • Tier 3 (Pays en cours d’établissement) : Ce groupe comprend des pays comme le Nigéria, l’Éthiopie, le Sénégal, l’Ouganda et le Botswana. Ces pays ont mis en place des bases pour la cybersécurité, mais font face à des défis, notamment en matière de développement des capacités et de mesures techniques.
  • Tier 4 et Tier 5 (Pays en évolution et en construction) :
    • Ces pays sont encore au début de l’établissement de cadres de cybersécurité. Des pays comme l’Angola, les Seychelles, le Mali, la Namibie et le Zimbabwe éprouvent des difficultés liées au manque de ressources, à l’insuffisance de professionnels qualifiés et à des structures institutionnelles faibles.

La performance des pays selon un score (suite et fin)

D’après ce classement, les pays africains montrent une grande diversité dans leurs niveaux de préparation et d'engagement en matière de cybersécurité. Quelques pays se distinguent comme modèles de référence pour le continent, en ayant adopté des cadres légaux et techniques solides et en démontrant un engagement actif dans la coopération régionale et internationale. Ces nations ont établi des équipes de réponse aux incidents informatiques (CIRT) et participent activement à des exercices cybernétiques régionaux, renforçant ainsi leur résilience face aux menaces croissantes.

D'autres pays sont en phase de progression, mettant en place des stratégies et infrastructures essentielles mais nécessitant encore des efforts pour atteindre une cybersécurité complète. Ils commencent à structurer leurs systèmes de protection des infrastructures critiques et à intégrer la cybersécurité dans leurs stratégies de développement numérique.

Listing montrant la performance des pays africains en cybersécurité

Enfin, certains pays sont encore en phase de construction de leurs capacités en cybersécurité. Ces États, souvent confrontés à des contraintes budgétaires et à un manque de ressources humaines spécialisées, cherchent à renforcer leurs cadres légaux et à mettre en place des mesures techniques adaptées. Le soutien international, en termes de financement et de formation, reste crucial pour ces nations afin qu'elles puissent établir des infrastructures cybersécuritaires efficaces.

Mesures légales

La majorité des pays africains ayant réalisé des progrès en cybersécurité ont adopté des cadres légaux robustes, couvrant des aspects tels que la protection des données personnelles, la lutte contre la cybercriminalité, et la réglementation des infractions en ligne. Ces lois s'inspirent souvent des standards internationaux, avec des efforts notables pour harmoniser les réglementations à l'échelle régionale. Toutefois, dans plusieurs autres pays, la mise en œuvre de ces cadres reste limitée, et l'absence de dispositifs d'application affaiblit leur efficacité.

Mesures techniques

Le développement d'infrastructures techniques, telles que les CIRT (centres de réponse aux incidents informatiques), est un point clé pour les pays africains, ceux qui se démarquent dans cette catégorie ont non seulement établi des CIRT nationaux, mais ils participent aussi à des réseaux régionaux et internationaux qui leur permettent de répondre rapidement aux cyberattaques. Cependant, de nombreux autres pays n'ont pas encore les ressources nécessaires pour mettre en place ces infrastructures de manière efficace, les laissant vulnérables face aux cybermenaces.

L’adoption de normes de sécurité est également inégale. Si certains pays ont intégré des standards internationaux pour la protection de leurs systèmes informatiques et leurs infrastructures critiques, d’autres sont encore en train d’élaborer des cadres adaptés à leurs contextes spécifiques.

Développement des capacités

Le développement des compétences en cybersécurité est l’un des défis majeurs en Afrique, bien que certains pays aient pris des initiatives pour intégrer la cybersécurité dans leurs programmes éducatifs, le manque de professionnels qualifiés et la fuite des cerveaux, reste des obstacles importants, des campagnes de sensibilisation sont menées dans certaines régions, mais elles ne sont pas encore généralisées à l'échelle du continent.

Les efforts pour promouvoir la recherche et le développement dans le domaine de la cybersécurité sont également limités, ce qui réduit les capacités des pays à développer des solutions adaptées localement et à répondre aux besoins spécifiques de leurs infrastructures numériques.

Coopération régionale et internationale

La coopération internationale et régionale est très importante pour améliorer la cybersécurité en Afrique. Plusieurs pays participent activement à des accords bilatéraux et multilatéraux, facilitant ainsi le partage d'informations et les bonnes pratiques en matière de cybersécurité. Cependant, cette coopération n'est pas uniformément répartie sur le continent. Les partenariats public-privé restent également sous-exploités, bien que leur potentiel soit reconnu pour renforcer les capacités nationales en cybersécurité.

De plus, la coopération entre les États africains est un levier clé pour combler les écarts de compétences et de ressources entre les pays. Les initiatives régionales, telles que les réseaux de CERT régionaux, permettent aux pays de mutualiser leurs efforts et de coordonner leurs réponses face aux cybermenaces transfrontalières.

6. Sensibilisation du grand public

La sensibilisation est un autre aspect essentiel pour créer une culture de la cybersécurité en Afrique. Certains pays ont mis en place des campagnes nationales pour informer les citoyens sur les cyberrisques, notamment pour les jeunes et les entreprises. Cependant, la majorité des populations n'a pas encore accès à des informations fiables sur la manière de se protéger en ligne, ce qui rend ces campagnes indispensables pour l’avenir.

Défis et opportunités

  • Défis : L'un des principaux défis pour l'Afrique reste le manque de ressources humaines et financières. Les pays ayant une infrastructure plus avancée peuvent servir de modèles pour ceux qui sont encore en développement, mais il reste beaucoup à faire en termes de développement des compétences, de renforcement des infrastructures critiques et de mise en œuvre des législations existantes.
  • Opportunités : L'augmentation de la pénétration de l'Internet en Afrique représente une opportunité pour intégrer des mesures de cybersécurité dans les stratégies nationales de développement numérique. La collaboration accrue avec les partenaires internationaux et régionaux peut également aider à combler le fossé en matière de compétences et à fournir l’assistance technique nécessaire.

Enfin, on peut dire que l’Afrique progresse en matière de cybersécurité, mais avec des niveaux de maturité très différents selon les pays. Certains États se positionnent en leaders régionaux, montrant la voie à suivre grâce à des stratégies intégrées et une participation active dans les initiatives internationales. D'autres, en revanche, sont encore en phase de construction de leur cadre de cybersécurité, nécessitant un soutien important pour renforcer leurs capacités.

Les efforts futurs devront se concentrer sur le développement des compétences, la mise en place de cadres techniques solides, et l'intensification des coopérations régionales et internationales pour faire face aux cybermenaces croissantes dans un monde de plus en plus connecté.

 Global Cybersecurity Index (GCI) 2024

Dr MAZOUZ Youssef, Secrétaire général chez CENTRE AFRICAIN DE LA CYBERSÉCURITÉ (CAC)