Xavier Poisson Gouyou - Hewlett Packard Enterprise (HPE) : « La fédération de clouds nationaux en Afrique est pour moi le support essentiel de la transformation digitale en Afrique »
Le commerce intra africain est de l’ordre de 18% actuellement, à comparer par exemple avec plus de 60% entre les pays européens. Un nouvel élan d’échanges, fruit de la transformation digitale, soutenu par des infrastructures de cloud maîtrisées, mettant au centre la donnée, permettrait d'accroître le PIB global du continent.
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps a la responsabilité mondiale chez Hewlett Packard Enterprise (HPE) du marché des Service Providers qui délivrent des capacités de cloud et de services managés ( Ceci ne concerne pas les GAFAM mais de tous les autres, qui constituent l’artère de la transformation digitale de leurs pays ). Passionné par les écosystèmes, il dirige aussi la plateforme digitale Cloud28+ conçue pour accélérer la rencontre des offreurs et des utilisateurs du Cloud. Il est un représentant de HPE dans les travaux de l’initiative européenne GAIA-X. Né en Afrique, Xavier Poisson Gouyou Beauchamps est très engagé avec ses clients et partenaires sur ce continent exceptionnel. Il accorde cette interview exclusive à Africa Cybersecurity Mag pour évoquer l’état des lieux de la transformation digitale sur le continent ainsi que la sécurité des services cloud support d'accélération de ladite transformation.
Africa CyberSecurity Mag : L’Afrique connaît une forte croissance digitale ces dernières années, comment cette transformation digitale en Afrique peut être soutenue et accélérée par le Cloud ?
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps : Quand on parle du Cloud, je pense qu’il est utile de revenir à ce qu’il est, une expérience. Cette expérience est basée sur des attributs à savoir un ensemble de ressources d’infrastructures informatiques, connectées au réseau, mesurées et payées à l’usage, élastiques (qui peuvent augmenter ou diminuer selon la demande) et orchestrées automatiquement. Et quant à la transformation digitale, elle est d’abord une évolution du monde réel qui voit une partie de ses composants se transformer, devenir numérique pour en étendre et faciliter leur usage. Dans cette perspective, que ce soit un individu, une matière, un produit, chaque élément physique de notre monde devient porteur et générateur de données, lesquelles nourrissent la transformation digitale des Nations et des entreprises. Le Cloud permet de créer, de valoriser, de distribuer ces données qui elles-mêmes changent la dynamique de tous les secteurs économiques et les développent, de l’agriculture à la banque, de l’industrie aux services, et également l’éducation et les services publics. On voit ici que la donnée, propulsée par cette expérience cloud, devient une richesse qui contribue au PIB. Pour qu’elles contribuent au PIB national dans la durée, ces données et les moyens de les traiter doivent avoir un cycle de production, de distribution et de vie maîtrisé et sécurisé. C’est là que les différentes architectures de cloud entrent en jeu. Cloud d’extrémité pour traiter la donnée à son origine (notamment les données issues d’objets connectés), Cloud privé qui sert une organisation, Cloud Public auquel les cloud d’extrémité et les cloud privés peuvent être connectés. La combinaison de ces différents cloud créera la valeur recherchée pour une création et valorisation de la donnée. Et ce modèle est valable à l’échelle d’un pays mais également à l’échelle du continent. Car c’est bien d’une nouvelle économie, celle de la donnée, dont on parle, un nouveau vecteur du commerce et des échanges intra africains. Le commerce intra africain est de l’ordre de 18% actuellement, à comparer par exemple avec plus de 60% entre les pays européens. Un nouvel élan d’échanges, fruit de la transformation digitale, soutenu par des infrastructures de cloud maîtrisées, mettant au centre la donnée, permettrait d'accroître le PIB global du continent. Mais ceci ne doit pas se produire à n’importe quel prix. Je pense que les architectures de cloud publics en Afrique doivent être nationales, initialisées par une collaboration entre le secteur public et le privé, et préserver la souveraineté des données. Ces cloud publics nationaux, construits dans des centres de données de chaque pays, par des acteurs locaux, pourront trouver leur fédération au niveau intra africain pour faciliter les échanges, créer plus de valeur en combinant leurs offres respectives liées aux différents secteurs d’activité. En résumé, la fédération de clouds nationaux en Afrique est pour moi le support essentiel de la transformation digitale en Afrique.
Africa CyberSecurity Mag : Une bonne transformation digitale réussie doit être préparée, alors comment devrait-elle être amorcée et quelles en sont les grandes étapes pour les pays émergents et en voie de développement ?
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps : La mise en forme d’une vision qui rassemble le pouvoir politique, l’État et les acteurs du marché (entreprises et citoyens) est certainement le premier pas de la transformation digitale d’un pays. Cette vision doit s’articuler sur des objectifs de transformation, une analyse des usages, et une stratégie de moyens à mettre en place (matériels comme humains) pour y parvenir. Le but ultime doit être le développement économique et la création d’emplois, et il est important de rassembler les forces et écosystèmes pour y parvenir. Les piliers importants à mettre en place intègrent les politiques publiques et règlementaires, les moyens d’accès (Réseaux de communication et cloud), la transformation vers un e-gouvernement, la mise en place de partenariats Public/Privé et enfin la prise en compte du développement durable. Ces piliers reposent sur des fondations que sont l’innovation, la communication et la force de conviction, la capacité à construire, réaliser et enfin la mobilisation des ressources financières et humaines. Ceci a été très bien décrit par Smart Africa. Les atouts de chaque pays dans tel ou tel secteur vertical devront être des cibles d’augmentation prioritaires via leur transformation digitale, afin d’avoir de premières réussites et pouvoir les partager.
“ Il faut oser, transformer les états d’esprit pour lancer des projets rapidement avec les bonnes ressources, accepter parfois de s’être trompé, s’en rendre compte rapidement, rebondir sur les échecs pour mieux réussir. “
Les technologies de l’information et de communication doivent devenir au centre de toute réflexion. Chaque pays est différent et sera capable de mobiliser telle ou telle composante, calcul, intelligence artificielle, applications mobiles, internet des objets, développement en mode cloud, sécurité, gestion de la donnée, analytique et se construire progressivement autour de celles-ci. Un effort particulier sur l’enseignement de ces technologies, la curiosité et le travail en écosystèmes est à inscrire de manière générale dans la démarche. Enfin, il est important de suivre très régulièrement les indicateurs de succès qui auront été établis et corriger si nécessaire les trajectoires. Un point à ne pas oublier est la manière dont l’offre et la demande se rencontreront pour la consommation de cette économie digitale.
“ Il est nécessaire de penser dès le départ la plateforme digitale qui exposera les services disponibles, et les expliquera, afin qu’ils soient consommés. Nombre d’initiatives oublient cette composante, ce qui peut freiner la réussite.”
Africa CyberSecurity Mag : Pour beaucoup d’entreprises (Grande ou PME) en Afrique le digital et la cyber-sécurité ne sont pas le cœur de métier et certaines ne disposent pas une équipe IT qualifiée. L’adoption du Cloud, serait-elle une solution plus adaptée pour accélérer ou renforcer leur transformation digitale ?
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps : Oui, si l’on considère l’expérience et les attributs du cloud que j’ai mentionnés, si ces clouds et leurs centres de données (moins de 2% de la capacité mondiale des centres de données est située en Afrique selon Xalam Analytics) sont nationaux ou régionaux, que le réseau de télécommunication (fixe ou mobile) est disponible et financièrement accessible, et si les fondamentaux des services sont offerts (Environnement de travail collaboratif et de communication, de gestion de fichiers, environnement bureautique, plateformes de développement, applications pour les industries verticales, contenu d’enseignement). L’accès via terminal mobile est important. L’accompagnement des créateurs de services et des utilisateurs reste un point important pour la réussite, et c’est pourquoi, de notre côté, nous mobilisons tout notre réseau de partenaires dans chaque pays d’Afrique pour aider les entreprises dans l’adoption du Cloud. La composante Centres de données reste un vrai sujet. L’African Data Centres Association (ADCA) a publié récemment un rapport faisant état de ce qu’il serait nécessaire que l’Afrique se dote de 700 nouveaux centres de données et de 1000 Mega Watts de puissance pour satisfaire les besoins du continent. Et il va de soi que ces centres de données devront être le moins énergivores possibles et privilégier une faible consommation d’eau.
Africa CyberSecurity Mag : Avec les différents enjeux environnementaux, privilégier les solutions vertes est une priorité inscrite dans la responsabilité sociale de plusieurs entreprises. Comment une transformation digitale peut-elle intégrer des infrastructures digitales vertes en Afrique ?
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps : Notre mission a été clairement énoncée, nous souhaitons améliorer la manière dont les gens vivent et travaillent. Et l’éco responsabilité tout au long du cycle de notre activité est une priorité. Nous avons fait un devoir de fournir à nos clients des infrastructures informatiques dont l’éco responsabilité a été pensée à toutes les étapes. Cela commence par la réduction de la consommation d’eau, la manière dont nous sélectionnons et achetons les composants des infrastructures que nous fabriquons. En 2019, 41% de l’électricité que nous avons achetée provient des énergies renouvelables.
“ L’Eco responsabilité est au cœur de la stratégie d’Hewlett Packard Enterprise (HPE) ”
En 2019, nous avions déjà triplé par rapport à 2015 la performance énergétique des serveurs que nous fabriquons ; et notre enjeu pour 2025 est que la performance énergétique de nos serveurs soit multipliée par 30 par rapport à 2015. Nous travaillons également sur la photonique, l’exascale computing et les calculs en mémoire pour avoir des produits toujours moins énergivores. Et cela continue par la logistique. En 2019, nous avons réduit de près de 30% les émissions dues aux transports et à la logistique versus 2016. En tant qu’entreprise, vous seriez surpris de savoir que, en 2019 nous avons réduit de 38% nos déchets par rapport à 2018. Nous avons à cœur de permettre à nos clients, une fois qu’ils ont nos produits, de prolonger leur vie. Nous avons des pièces détachées en stock pour permettre une réelle vie des produits. Nous maintenons certains produits qui ont 25 ans ! Et, lorsque nos clients souhaitent se séparer de leurs produits, nous pouvons les racheter pour leur donner une nouvelle vie. En 2019, sur les 4 millions d’ordinateurs que nous avons rachetés à nos clients, 88% d’entre eux ont trouvé une nouvelle vie grâce à nos usines équipées pour ce faire. Enfin, nos produits sont, dans l’ensemble, recyclables à 90%.
Nous pensons que les clients doivent pouvoir évaluer leurs fournisseurs sur ces critères d’éco responsabilité, afin de réduire leur propre empreinte à laquelle nous contribuons de plus en plus, au vu de la part croissante de l’IT dans la vie économique et sociale. Au-delà des produits eux-mêmes, nous intervenons sur deux dimensions complémentaires. La première, les centres de données, nous avons en la matière une expertise pour conseiller nos clients dans la manière dont ils feront un investissement éco responsable. Nous avons également des partenariats avec des constructeurs de solutions nouvelles, par exemple le refroidissement des ordinateurs par immersion, qui limite la consommation d’eau, d’énergie, évite l’usure des composants, supprime l’exposition à la poussière et réduit de manière importante le Delta T. La seconde, la consommation à l’usage. Le serveur ou la baie de stockage la plus efficiente est celle qui a la juste configuration par rapport aux besoins et à la prévision de ces besoins. Économiser 30% d’équipement pour nos clients (extra capacité qui dort) permet de réduire également la facture énergétique. C’est l’offre HPE GreenLake que nous proposons dans certains pays.
Oui, il est possible de construire sa transformation digitale verte et écoresponsable en construisant ses infrastructures cloud avec HPE, nous sommes là pour aider nos clients à se poser les bonnes questions et les conseiller.
Africa CyberSecurity Mag : L’enjeu majeur des systèmes d’Informations aujourd'hui est la sécurité des infrastructures et des données. Comment HPE apporte une double réponse : accélération de la transformation digitale et sécurité de l'infrastructure et des données aux entreprises dans leurs stratégies de mutation digitale ?
Xavier Poisson Gouyou Beauchamps : L’attention portée à la sécurité dans les processus de transformation digitale s’appréhende à différents niveaux. Au niveau de la donnée, au niveau des architectures de cloud traitant ces données, au niveau des réseaux, enfin au niveau des infrastructures informatiques. Le tout dans un contexte où le facteur humain reste important, il nécessite une sensibilisation au sujet des fournisseurs comme des consommateurs. D’un point de vue de la donnée, les enjeux de souveraineté, d’interopérabilité, de politique de sécurité de la donnée doivent être cadrés.
“ Il est important d’avoir des processus de gestion de l’identité de ceux qui créent et accèdent aux données et à leurs méthodes de valorisation et de facturation.”
HPE s’est clairement positionné sur le sujet avec nos technologies Spiffe and Spire. Les architectures de cloud, pour leur part, doivent être granulaires et prendre en compte à la fois la souveraineté de la donnée et la distribution des traitements cloud. C’est en ce sens que nous prônons la mise en place de différents clouds, aux extrémités, dans les organisations, et enfin en central avec des clouds publics nationaux. Et, bien sûr, ces différents clouds peuvent être interconnectés. Ce concept d’hybridation de l’expérience cloud est important car, au-delà du cloisonnement des processus, il apporte une réponse à un autre sujet qui est la latence. Et nous entrons ici dans le domaine des réseaux. Pour certains traitements, compte tenu des réseaux de communication en place, il est impensable de se reposer uniquement sur une connexion à un cloud public. Les conséquences en matière d’efficacité pourraient être dramatiques. Au niveau des réseaux eux-mêmes, la sécurité doit par ailleurs être traitée. C’est tout le sens de ce que HPE propose avec les offres de réseaux hp et ses attributs de segmentation dynamique et ARUBA ESP Zero Trust Security. Enfin, au niveau des infrastructures serveurs et stockages, l’attention doit être également importante. Cela commence par la traçabilité des livraisons et des moyens que nous fournissons pour que les infrastructures que nous livrons soient intègres. Cela continue ensuite avec ce que l’on appelle le HPE Silicon Root of Trust, qui sécurise non seulement les processus d’authentification de nos serveurs mais aussi leurs processus de configuration et de récupération. Des processus sont activés en continu entre le matériel, le firmware et le système d’exploitation tout au long de l’exploitation des serveurs. Nous ne nous arrêtons pas là. En effet, la sécurité est également intégrée au niveau de la manière dont, via des processus d’intelligence artificielle (Outil HPE Insight Manager), nous monitorons en permanence l’état de nos serveurs et unités de stockages, afin de prévenir les pannes et aider nos clients dans leurs mises à jour.
Cette approche de bout en bout vise à réduire la première cause des problèmes de sécurité, le facteur humain, volontaire ou involontaire.
Interview dirigé par la Rédaction d’Africa Cybersecurity Mag
Une Conférence ouverte « Vers une infrastructure digitale sécurisée et verte pour l’Afrique » sera animée par HPE mercredi 17 mars 2021 durant DIGICLOUD AFRICA ONLINE 2021